Présentation
Oratorio pour 2 sopranos, alto, ténor et basse
Suzanne harcelée puis compromise par deux juges. La force de la parole juste l’emporte, la notoriété ou la puissance ne pouvant rien face à la sagesse. Cette histoire sortie de la Bible, entre érotisme et fable morale, prend une résonance particulière à l’époque de #metoo. Alessandro Stradella l’a traitée à la frontière de l’opéra sensuel et de l’oratorio d’édification.
Martin Gester aborde ce chef-d’œuvre peu connu avec une nouvelle génération de voix, entouré d’un ensemble instrumental à la fois expérimenté et renouvelé.
Suzanne : Juliette Perret, soprano
Daniel : Virginie Thomas, soprano
Testo : Alice Habellion, alto
Giudice 1mo : Olivier Dejean, basse
Giudice 2do : Artavasd Sargsyan, tenor
Formation orchestrale :
Stéphanie Pfister, Matthieu Camilleri, violons
Keiko Gomi, violoncelle
Adrien Alix, violone
Claire Piganiol, harpe
Martin Gester, direction, orgue et clavecin
Comme chez Carissimi, un Testo, un narrateur, raconte l’histoire, introduit les personnages. Des récits et les airs, avec des passages en arioso intermédiaire, s’enchaînent souplement et font penser à la première manière d’Alessandro Scarlatti. L’ouvrage fait un large usage de basses obstinées, mais les formes et les genres des airs sont variés, à la fois puisant dans le passé et regardant vers l’avenir. L’orchestre y joue un rôle d’introduction, d’articulation entre les parties et de célébration des moments importants.
Les ensembles s’inspirent de l’écriture du madrigal mais ont l’efficacité de chœurs dramatiques. Leur rôle est, en relation avec le narrateur, de commenter l’action, d’énoncer des vérités ou des sentences morales, de célébrer des moments importants comme la fin des actes.
Le duo des vieillards accusateurs est un moment de grande efficacité théâtrale, comme l’est le trio de Suzanne triomphante suite à l’intervention de Daniel, et des mêmes vieillards vaincus et déconfits.
Constamment, on est entre l’opéra et l‘oratorio, entre scène érotique, complot de malfaiteurs d’une part comme dans les opéras du temps, et d’autre part dans le nécessaire débat moral et l’intervention de Daniel, en quelque sorte le bras de la Vérité et de la Justice, de Dieu.
Le nom est tout un symbole : à la croisée de cultures européennes, la situation de Strasbourg aidant, sous l’impulsion de Martin Gester, le Parlement de Musique est un ensemble dédié à la musique baroque et classique au fonctionnement souple, inventif, modulable – moderne – se dédiant à la recréation d’œuvres rares tout comme de l’interprétation du grand répertoire.
Suivant le penchant tout particulier de Martin Gester pour le travail avec les chanteurs, l’ensemble cultive le riche répertoire lyrique menant des cantates profanes et des motets à l’opéra – stylisé – de Monteverdi à Mozart : en témoignent ses révélations ou relectures de Carissimi, Scarlatti, Caldara, Charpentier, Clérambault, Rameau, Haendel, J.S. Bach. Autour de l’organiste-claveciniste Martin Gester et en compagnie d’Aline Zylberajch, l’ensemble illustre le répertoire des claviers anciens, en dialogue ou concertant avec des voix et des instruments de Couperin à Mozart, sur les instruments historiques. Des pans importants du patrimoine rhénan ont été révélés et diffusés à travers ses concerts et ses enregistrements et par l’édition des partitions (notamment J.U. Steigleder, P.F. Böddecker, S. Capricornus, J.A. Denoyé, F.X. Richter).
Actuellement, l’ensemble se consacre plus particulièrement à l’art de la cantate baroque et à la mise en scène conjointe de la voix et des instruments : cantates et concerts de Montéclair et Clérambault au concert et enregistrés sur CD ; révélation de joyaux du répertoire vocal des Ospedali vénitiens, une mine inépuisable de chefs-d’œuvre méconnus comme ces Vêpres de l’Assomption de Porpora, objet du dernier enregistrement, ceci à côté de chefs d’œuvres du répertoire en dispositifs variés et dans des interprétations revisitées.
Son atelier lyrique Génération Baroque, d’audience aujourd’hui européenne, est un lieu d’expérimentation, de formation, une tribune et un instrument de détection de talents : nombre d’artistes aujourd’hui reconnus y ont trouvé un terrain d’envol et une source de formation et d’inspiration.
Qu’il soit à la tête de son ensemble, chef invité ou soliste partenaire de musique de chambre, Martin Gester nourrit son approche d’expériences acquises par la recréation de nombreux chefs d’œuvres ignorés – oratorios de Caldara et d’Alessandro Scarlatti, motets de Lalande et Charpentier, Leçons de Ténèbres de Charpentier et d’Alessandro Scarlatti, Passion anonyme d’Uppsala, Messe d’Antoine Denoyé et le riche répertoire des Ospedali vénitiens. A partir d’une formation à la fois littéraire et musicale, instrumentale et vocale, passionné par l’histoire et attentif aux traditions orales, à l’art de la danse et du théâtre, Martin Gester s’efforce de retisser les liens que les usages séparent, renouant, à sa manière, avec l’idéal du musicien baroque : ouvert, multiple et humaniste.
Après des études littéraires et musicales au Conservatoire et à l’Université de Strasbourg, il fonde, en 1990, le Parlement de Musique, un ensemble d’un fonctionnement original : inventif, découvreur, modulable, à la croisée des styles baroque et classique, du concert et de la scène.
Tour à tour chanteur polyphoniste, interprète au clavier, chef de chœur, musicologue et pédagogue, Martin Gester a pratiqué de nombreux répertoires répartis sur quatre siècles. Il a dirigé le Parlement de Musique sur une quarantaine d’enregistrements discographiques illustrant un répertoire de deux siècles de musique et s’est produit dans des salles prestigieuses sur quatre continents. Il a aussi dirigé d’autres ensembles: New York Collegium, Collegium Vocale Gent, La Chapelle Royale, Nederlandse Bachvereniging … Parallèlement, Martin Gester poursuit ses activités d’interprète : organiste soliste ou de concertos, ou partenaire de musique de chambre au clavecin et au pianoforte. Un goût très prononcé pour le travail avec des chanteurs choisis lui fait explorer l’univers du chant lyrique – cantate, motet ou lied – de Monteverdi jusqu’à Schubert.
Il enseigne au Conservatoire de Musique de Strasbourg et donne régulièrement des masterclasses sur plusieurs continents. Martin Gester a été nommé Chevalier des Arts et Lettres et élevé à l’Ordre du Mérite par les Ministères de la Culture respectivement français et polonais.
Compositeur à la vie dissolue qui finit poignardé à Gênes, Stradella laisse pourtant une empreinte forte dans l’histoire de la musique. Il est à la croisée des chemins et des époques, à la croisée du théâtre lyrique et du drame sacré, puisque se rencontrent dans sa production le grand oratorio romain hérité de Carissimi et l’opéra vénitien de Cavalli. Stradella est proche aussi de la génération suivante, celle des Scarlatti et de Haendel. Sa musique se caractérise par une vivacité, une expressivité, une humanité profonde.
Dilettante quant à sa formation, il apparaît cependant comme l’un des maîtres les plus inventifs de son temps, faisant valoir un mélodisme intense, un dynamisme et un lyrisme qui permettent de l’identifier rapidement. Il a abordé tous les genres du XVIIe siècle, les formes instrumentales, comme celle toute nouvelle du concerto grosso, dont il peut être considéré comme le codificateur, sinon le créateur, et, bien entendu, les formes vocales comme la cantate et l’oratorio qu’il marque également de sa griffe personnelle.