Entre le 12e et le 13e siècle, le chant liturgique de l’église catholique connait une évolution majeure, on passe du chant monodique dit grégorien aux prémices de la polyphonie connue sous le nom de l’école Notre-Dame, du lieu où elle émerge, la cathédrale de Paris. Ce mouvement mènera au 14e siècle à l’Ars Nova, une nouvelle étape dans le développement du chant polyphonique. Un des principaux représentants n’est autre que Guillaume de Machaut. Sa Messe de Nostre Dame dédiée à la vierge est une pierre angulaire dans l’histoire de la musique ancienne. Il s’agit, en effet, de l’une des premières messes composées par un seul et même compositeur. L’Ensemble Gilles Binchois est La référence dans l’interprétation de ce chef-d’œuvre.
Vidéo
Guilhem Terrail : alto
Roman Melish : alto
Dominique Vellard : ténor & direction
Vincent Lièvre-Picard : ténor
Giacomo Schiavo : baryton
Emmanuel Vistorky : baryton
Messe de Nostre Dame de Guillaume de Machaut
Avec le Propre grégorien de la messe de l’Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie
Inviolata genitrix / Felix Virgo, motet
Introït : Gaudeamus omnes in Domino
KYRIE ELEYSON
GLORIA IN EXCELSIS DEO
Graduel : Propter veritatem
Alleluia, Assumpta est Maria
Evangile : In illo tempore intravit Jesus
CREDO IN UNUM DEUM
Offertoire : Diffusa est gratia
Préface
SANCTUS
Pater Noster
AGNUS DEI
Communion : Regina mundi
ITE MISSA EST
Si nous ne connaissons pas la date de naissance de Machaut, il paraît élégant de faire naître un tel esprit avec le siècle, ce qu’ont fait par commodité les musicologues. C’est vers 1323 que Machaut s’est lié, comme secrétaire et familier, à la vie de Jean de Bohème, prince « hardi et chevaleresque » de la maison de Luxembourg. Il est probable que cette vie instable, au rythme des déplacements de ce roi fantasque (Flandres, Italie, Bohème, Pologne, Hongrie, Lituanie…), fut l’élément décisif de l’éclosion de sa personnalité créatrice. En 1340, le prince perd l’usage de ses yeux et c’est sans doute aussi à cette date que Guillaume se fixe définitivement à Reims avec la charge de chanoine.
C’est cette nouvelle position qui lui permit de mener à terme son œuvre et d’en assurer la pérennité, et ce avec tant d’efficacité qu’il nous est parvenu intégralement et de manière exemplaire sous la forme qu’il a lui-même décidée.
Grâce à des documents conservés à Reims, on voit se dessiner la destination probable de la Messe de Nostre-Dame, conçue non pour un couronnement royal ou pour la chapelle papale d’Avignon – comme cela fut suggéré – mais pour une messe commémorative instituée par les frères Machaut.
Ainsi notre conception de l’œuvre a-t-elle rejoint cette vue historique de la Messe de Notre-Dame. Nous nous sommes éloignés de l’esthétique des interprètes du 20e siècle qui n’avaient voulu voir dans cette œuvre que son côté « avant-garde » – accentuant son caractère rythmique, parfois jusqu’à l’hystérie ! – pour reconnaître sous la complexité des moyens technique employés le lyrisme et la sérénité du discours musical.
Si les premières approches de la messe, au plan de l’analyse comme de l’interprétation, laissent penser qu’elle est constituée d’éléments hétéroclites réunis par une circonstance donnée, une plus grande familiarité avec l’œuvre laisse entrevoir un déroulement où chaque événement nouveau enrichit la construction, menant l’interprète comme l’auditeur, au terme de la messe, à une intense satisfaction. Nous ne redirons pas à quel niveau Machaut a porté sa maîtrise de la forme, autant dans les sections isorythmiques (Kyrie, Sanctus, Agnus, Ite missa est) que dans le Gloria et le Credo où la construction musicale respecte la structure sémantique du texte, sans rien perdre de sa rigueur formelle. Nous ne reviendrons pas non plus sur l’incroyable diversité des techniques employées – accroissement de la densité rythmique dans le Kyrie, emploi de leitmotiv tout au long de l’œuvre –, Machaut intègre tous ces éléments au point qu’à aucun moment ces jeux intellectuels n’entravent la force ni le naturel de l’œuvre.
Dominique Vellard
Depuis sa création en 1979, l’Ensemble Gilles Binchois, sous la direction de Dominique Vellard, s’est attaché à découvrir, défricher, apprivoiser, révéler parfois, mettre en valeur toute une période de l’histoire de la musique qui n’avait pas encore sa place dans les concerts, la discographie, les études musicales en conservatoire. L’ensemble ne cesse de remettre sur le métier les répertoires du Moyen-âge et de la Renaissance, de les aborder à la lueur de nouvelles découvertes, de nouvelles compréhensions d’une notation musicale souvent complexe et imprécise, il les fait siens, les rend vivants. Ces quatre décennies de familiarité avec les répertoires anciens ont forgé des interprétations dont les enregistrements continuent au fil des années d’être des références auprès de nombreux professeurs et musicologues dans les universités du monde entier. L’Ensemble aborde régulièrement huit siècles de musique, du chant grégorien à Monteverdi. Ce sont avant tout les rencontres et l’enthousiasme qui déterminent les choix de tel ou tel répertoire et qui projettent l’ensemble vers de nouvelles voies. Serait-ce un comportement boulimique ? Plutôt un fort appétit de découverte, de plaisir musical partagé, de rendre contemporains tous les pans de notre passé musical.
Une saison de l’Ensemble Gilles Binchois c’est :
- une trentaine de concerts
- 2 à 3 créations
- une quinzaine de programmes différents
- 1 à 2 enregistrements (CD, radio)
- 1 académie
- 1 ou 2 résidence(s)
- un cycle de conférences : « Dans les secrets de la musique »
- des collaborations artistiques
- un travail approfondi avec des musicologues
- une quinzaine d’artistes réguliers
- l’insertion en son sein de jeunes chanteurs et musiciens
L’Ensemble Gilles Binchois est conventionné par le Ministère de la Culture (DRAC Bourgogne Franche-Comté) et ses activités soutenues par le Conseil Régional de Bourgogne Franche-Comté et la Ville de Dijon. MECENAT MUSICAL SOCIETE GENERAL est le mécène principal de l’Ensemble Gilles Binchois.
Dominique Vellard a inspiré et mené les destinées de l’ensemble Gilles Binchois ; près de 40 années de recherches et de concerts qui ont généré la création de quelques enregistrements essentiels dans le domaine de la musique médiévale et de la Renaissance. Si le rôle prépondérant qu’a tenu Dominique Vellard dans l’éclosion et l’épanouissement de l’ «école française» de musique médiévale – et notamment pour l’interprétation totalement nouvelle du répertoire grégorien – lui a donné une image de médiéviste, son intérêt pour les autres époques de la musique ancienne est indéfectible. Alterner ces répertoires allant du 10e au 17e siècle est pour lui une façon de raviver en permanence son enthousiasme. Depuis une vingtaine d’années, Dominique Vellard a développé des projets avec des musiciens de tradition indienne, espagnole, bretonne, marocaine ou iranienne. Il consacre également une partie de son temps à la composition, puisant dans sa propre formation musicale et spirituelle comme dans son expérience et son intérêt pour les monodies et les polyphonies de tradition orale. Depuis 1982, il est professeur d’interprétation des répertoires médiévaux et renaissants à la Schola Cantorum de Bâle où des étudiants du monde entier viennent suivre ses classes et où plusieurs générations d’interprètes ont puisé les éléments constitutifs de leur style et la base de leurs connaissances. Directeur artistique du festival des « Rencontres Internationales du Thoronet » depuis 27 ans, il y a créé depuis une dizaine d’années une Académie d’été où il accueille étudiants et jeunes professionnels pour des sessions de huit jours, leur offrant la possibilité de découvrir des répertoires et d’approfondir leurs connaissances et leur pratique de musiques allant du Moyen-âge au 17e siècle, chaque stage étant consacré à une période et un répertoire précis. Dominique Vellard a à son actif plus de cinquante disques dont une quarantaine à la tête de l’Ensemble Gilles Binchois. En 2017, il a été promu chevalier de la Légion d’Honneur.