Tristan & Yseut – Alla Francesca
Tristan et Yseut – Alla Francesca
Brigitte Lesne & Pierre Hamon
Lais du manuscrit de Vienne
Ce programme a été le fil conducteur de la 20e édition du Festival de Lanvellec et du Trégor. Retenir « Amours de musique comme fil conducteur de cette édition, c’est partager ensemble la passion qui nous anime depuis la création du festival. Mythe incontournable du thème de l’amour, al légende de Tristan et Yseut nous ramène aux sources de notre culture, au temps ou résonnaient troubadours et trouvères en terres de Bretagne. Tels les ménestrels du Moyen-Âge, l’ensemble Alla Francesca nous restitue les pratiques instrumentales des musiciens de l’époque. Cet enregistrement représente une belle illustration de la variété et de la diversité des concerts de musique ancienne du Festival de Lanvellec.
Enregistré en février 2004 dans la chapelle de l’École Sainte-Geneviève à Versailles
En choisissant les lais de Tristan du manuscrit de Vienne, nous avions la certitude d’aborder des rivages pleins de richesses musicales et poétiques. A partir de l’histoire devenue emblématique de l’amour de Tristan et Yseut, nous allions aussi et surtout nous trouver au cœur même de la thématique de la lyrique courtoise, un de nos répertoires de prédilection. Les lais pris isolément ne tissent aucune narration. Ils sont comme des ponctuations, des commentaires, des parenthèses liés à une étape du récit. Ils n’apparaissent d’ailleurs que très loin après le début du manuscrit, privant toute sa première partie d’un contrepoint musical. Nous avons donc choisi de reconstituer un ordre fondé sur l’enchaînement des musiques et des thématiques : l’amour, la colère, la tristesse, la folie, la mort…, commençant avec Tristan et finissant avec Yseut. Certains lais sont brefs – nous avons alors choisi d’en chanter la totalité -, d’autres comptent de très nombreux couplets dans lesquels nous avons dû faire des choix tout en sauvegardant leur quintessence poétique. Cette sélection nous a permis de proposer onze lais sur les dix-sept que compte le manuscrit. On constate une manière de mise en abîme dans le scénario d’apparition des lais : l’auteur ou les auteurs, anonymes, en attribuent la composition à différents héros du récit, qui eux- mêmes en ont eu connaissance par un autre personnage, qui enfin les donne souvent à interpréter à un tiers, ici une demoiselle, là un « harpeur » (la harpe – dont Tristan joue lui- même – est particulièrement présente). Cet ultime personnage, le ménestrel – l’artiste interprète de l’époque – est celui que nous incarnons le plus naturellement puisqu’en somme leur métier est déjà le nôtre ! Pas de théâtralisation ni de rôles attribués donc : la chanteuse n’est pas Yseut, le chanteur n’est pas Tristan ; les héros sont bien présents, mais comme en filigrane, dans un tissu narratif que chacun peut restituer ou réinventer à sa guise… Certains ménestrels sont instrumentistes et parfaits virtuoses de leur instrument. En retrouver les pratiques est chose délicate car leur savoir était de toute évidence transmis oralement. L’iconographie, les recherches de facteurs et luthiers, quelques textes littéraires, et les pratiques aujourd’hui vivantes de par le monde de musiques monodiques de tradition orale, nous renseignent toutefois utilement. Nous proposons ainsi, au sein même des lais ou en alternance avec eux, de restituer ces diverses pratiques instrumentales – préludes, commentaires, danses… – dans l’esprit qui était peut-être celui des musiciens de l’époque. C’est en tout cas notre conviction.
Alla francesca