Préludes à la fugue – Sergio Vartolo
Sergio Vartolo – K617, 1993
Enregistré à l’orgue Robert Dallam de Lanvellec de 1653.
Compositeurs : M. Cavazzoni, C. Merulo, G. Gabrieli, G. M. Trabaci, G. Frescobaldi, G Colonna, B. Pasquini.
Enregistré à l’orgue historique de Lanvellec, cet opus nous permet de redécouvrir la fugue. Le grand interprète Sergio Vartolo traverse toute l’histoire de ce genre musical avec brio, pour le plus grand plaisir de l’auditeur.
Enregistré sur l’orgue Dallam en l’église de Lanvellec en 1993.
L’Art de la Fugue fut à un tel point le domaine de prédilection des Maîtres de l’Allemagne du nord au XVIIIème siècle, que l’on a généralement tendance à oublier que cette forme témoignant au plus haut niveau de l’esprit spéculatif de l’homme occidental, ne sortit point toute armée de la plume d’un Buxtehude ou d’un Jean Sébastien Bach. C’est en fait du sud, que viendra cette grande leçon de rigueur, dès le XVIème siècle. Du côté de l’Ibérie, les écoles Portugaise et Espagnole en fourniront les prémisses avec le tiento, alors que les maîtres taliens, au travers du Ricercare et de la fantaisie porteront l’exercice l’écriture contrapuntique à un degré de perfection qui accouchera des chefs-d’oeuvres baroques… comme d’ailleurs des avatars académiques encore en vigueur dans bon nombre d’établissements d’enseignement musical de la planète. Voici donc les grands ancêtres de la Fugue. Ils n’ont pas encore cette systématisation qui fera confondre plus tard création musicale et exercice d’école; on recherche, on explore, et éloquents sont les noms le cette forme en gestation : « Ricercare »… « Fantaisie »… « Canzon »… Marcantonio Cavazzoni (fin XVème siècle – mort vers 1569), que l’on le confondra pas ici avec son fils Girolamo, doit être considéré comme un véritable précurseur, puisque c’est dès 1523, qu’il publie son livre d’oeuvres pour clavier d’où est extrait le présent Ricercare. On se dégage déjà des origines vocales de la musique instrumentale qui s’émancipe, et prépare le grand souffle que Girolamo saura donner plus tard à ce genre. Il s’agit sans doute de la composition pour clavier la plus ancienne à nous être parvenue, dotée d’une fonction purement instrumentale et abstraite. Il faut bien dire que leur métier repose sur une solide tradition Italienne. Dès 1318, l’on trouve trace en effet, d’un organiste appointé à Saint-Marc de Venise, et les balbutiements instrumentaux de Landini sont, ne l’oublions pas, presque contemporains des pages anonymes du Codex Faenza. Claudio Merulo (1533-1604), que l’on aura garde de ne point confondre avec Tarquinio Merula, fut d’abord organiste de la Cathédrale de Brescia, avant de faire carrière à Saint-Marc de Venise. On connaît ses références, mais également ses modèles. Les Cavazzoni père et fils, en furent certainement. C’est cependant les Toccate qui établirent le plus sa gloire, en son temps comme aux yeux de la postérité. Le contrepoint s’y mêle à de souples mélismes décoratifs où apparaît la notion de virtuosité instrumentale qui éclatera cinquante ans plus tard, dans la majeure partie de l’œuvre de Frescobaldi. Andrea Gabrieli (1510-1586) qu’il ne viendrait à l’idée de personne de confondre avec son neveu Giovanni, fut l’élève de Willaert à Saint-Marc. Sa très vaste production touche à tous les domaines. Pour l’orgue, il publie les Intonationi d’organo (mêlées à celle de Giovanni), et on lui doit également trois messes d’orgue manuscrites. La Fantasia allegra est extraite du troisième livre publié en 1596 sous le titre de « tabulati per ogni di stromenti da tasti ». C’est une joyeuse canzon en ut, relevée par les tourbillons festifs de gammes virtuoses. 4 On sait que son neveu Giovanni (1557-1612) avait une telle admiration Andrea, qu’il n’aura de cesse de publier les oeuvres de son oncle, avant de s’occuper des siennes. La postérité rendra pourtant hommage à celui qui fera passer l’histoire de la musique Européenne, de la renaissance au langage baroque. N’est-ce pas auprès de Giovanni Gabrieli, qu’Heinrich Schütz apprendra son métier ? C’est en 1609, dans le second volume de Diruta, qu’apparaît cette canzone detta la spiritata (la bizarre, la capricieuse). L’oeuvre pour orgue de Gabrieli a l’immense mérite de faire naître et dans sa forme et sous son nom, le concept quasi définitif de la fugue qui apparaît enfin dans quatre de ses pièces. Les générations suivantes n’ont désormais plus qu’à développer l’écriture fuguée, et à la porter à sa perfection. C’est de Naples, Giovanni Maria Trabaci (1575-1647), de Rome, Girolamo Frescobaldi (1583-1643), puis de Bologne, Giovanni Paolo Colonna (1637-1695). Bernardo Pasquini (1637- 1710) enfin, qui dans ses oeuvres contrapuntiques les plus anciennes d’où est extraite la présente fugue, concilie l’influence de Frescobaldi, avec les tendances du XVIIIème siècle naissant. C’est tout cet héritage que recueillera Jean Sébastien Bach, nous valant ce chef-d’oeuvre absolu ramassant plus de deux siècles de secrète maturation : l’Art de la Fugue.