Dans ce concert, Lucile Boulanger explore les influences sur la viole française de la musique italienne et des compositions virtuoses pour le violon. Son programme invite à découvrir comment Antoine Forqueray s’est nourri de musique italienne, comment il a lui-même transcrit pour la viole des sonates italiennes écrites pour le violon, et comment la virtuosité propre à la tradition de cet instrument a pu transformer sa pratique de la viole. Violiste inspirée et passionnante, Lucile Boulanger met en dialogue des pièces de Forqueray et certaines de ses propres transcriptions pour la viole de pièces italiennes dont la littérature indique qu’elles ont pu accompagner la pratique du virtuose. Elle est accompagnée au clavecin par Ronan Khalil.
Lucile Boulanger basse de viole
Ronan Khalil clavecin
Michele MASCITTI Napoletano (1664?-1760)
Libro primo, Sonata II
Adagio
Allegro (fuga)
Largo
Allemanda
Giga allegro
Antoine FORQUERAY [le père] (1672-1745)
La Leclair (IIe Suite)
Jean-Marie LECLAIR (1697-1764)
Quatrième Livre (oeuvre IX), Sonata 2
Andante dolce
Allemanda
Sarabanda
Minuetto
Arcangelo CORELLI (1653-1713)
Sonate III, opus V
Adagio
Allegro (fuga)
Adagio
Allegro
Allegro (giga)
Antoine FORQUERAY [le père] (1672-1745)
IVe Suite
La Marella
La Clément (version pour clavecin)
Sarabande La D’aubonne
La Bournonville
La Sainscy
Le Carillon de Passy & La Latour
« Il [Forquerai] tenta de faire sur sa viole tout ce qu’ils [les français] faisaient sur leur violon, et il vint à bout de son entreprise. Les cordes singulières et les traits les plus frappants des bons Auteurs d’Italie, lui étaient tellement familiers, que dans toutes ses Pièces on trouve un certain sel, qui n’assaisonne point celles de Marais même les plus travaillées. »
Ainsi d’Aquin, parmi tant d’autres, décrit-il l’appétit et la connaissance de Forqueray (1672-1745) pour la musique italienne, en particulier pour le répertoire de violon. En effet comme le rappelle Le Blanc tout au long de sa Défense de la basse de Viole, le véritable ennemi de « Dame Viole » et premier responsable de sa chute n’est pas, comme on pourrait le penser, le violoncelle mais bien « Sultan Violon » ! En ce début XVIIIe c’est vers lui que tous les regards sont tournés, et c’est pour lui que l’on compose désormais, non plus dans le Beau Style Français sous forme de Pièces, mais dans le nouveau genre à la mode : la Sonate.
Loin de se satisfaire des nombreuses contreparties de viole qui parsèment les recueils pour violon, la dernière génération de violistes français – l’immense virtuose Antoine Forqueray en tête – s’empare directement des Sonates de violon pour les jouer sur la basse de viole. « … jamais homme au monde n’avait joué d’un aussi grand goût, aussi pur, aussi correct, les Sonates de Mr Michel (Michele Mascitti), que Forcroi le Père. » rapporte notamment Le Blanc.
Cette facette méconnue d’un Forqueray « interprète » apporte un éclairage nouveau sur ses Pièces de Viole, montrant combien la pratique d’autres répertoires est venue nourrir le compositeur et faire toute la singularité de son style.
Lucile débute la viole de gambe avec Christine Plubeau à l’âge de 5 ans et poursuit ses études auprès d’Ariane Maurette, Jérôme Hantaï et enfin Christophe Coin au CNSMD de Paris.
Elle est lauréate de plusieurs prix internationaux (concours Bach-Abel de Cöthen, Società Umanitaria de Milan ou Musica Antiqua de Bruges).
Très sollicitée en tant que chambriste, elle se produit et enregistre avec Philippe Pierlot, François Lazarevitch, Justin Taylor, Alice Piérot, L’Achéron (François Joubert-Caillet)… et rejoint régulièrement de plus grandes formations comme Pygmalion (Raphaël Pichon), Correspondances (Sébastien Daucé), Vox Luminis (Lionel Meunier) ou Les Epopées (Stéphane Fuget).
Par ailleurs, elle se produit fréquemment en récital, en France comme à l’étranger. Ses deux disques en duo avec le claviériste Arnaud De Pasquale pour le label Alpha (sonates de Bach en 2012 puis de C.P.E. Bach et Graun en 2015) ont été largement récompensés.
En 2018 elle publie un opus soliste chez Harmonia Mundi, consacré à Forqueray et son amour pour la sonate italienne de violon, fait dire à la critique : « tantôt, c’est l’énergie qui vous bouscule, tantôt la caresse qui vous fait frissonner, tantôt l’émotion nue qui vous bouleverse, mais c’est partout la même justesse, la même densité. ». Le BBC Music Magazine juge ce disque « irrésistible », et compare sa liberté de jeu à celle de Jacqueline du Pré. Paru début 2022 chez Alpha, son nouvel album consacré à Bach et Abel est généreusement primé (ffff Télérama, Diapason d’or, Scherzo Excepcionales…) et connaît un vif succès auprès du public.
Se refusant à ne voir en la viole que le vaisseau d’une tradition esthétique révolue, Lucile Boulanger travaille à travers ses programmes à étoffer et émanciper le répertoire de son instrument, non seulement par la pratique de la transcription mais également par la commande d’oeuvres contemporaines. Plusieurs compositions lui sont déjà dédiées.
© Francis Delaby
Suite à un souci de santé, le claveciniste Pierre Gallon ne pourra pas assurer ce concert. Il est remplacé au pied levé et avec brio par Ronan Khalil.
Né en France d’une famille franco-libanaise, il débute comme jeune alto à la Maîtrise de Bretagne. En parallèle il étudie le clavecin au conservatoire de Rennes. Il obtient au Conservatoire Royal de La Haye puis au CNSMD de Paris les prix de la basse continue et de clavecin. Parmi ses professeurs, on compte Fabio Bonizzoni, Olivier Baumont, Elisabeth Joyé, Blandine Rannou, Sharon Gould, Christophe Rousset. Depuis il a travaillé avec des chefs tels que William Christie, Christophe Rousset, Alessandro de Marchi, Laurence Cummings et Sigiswald Kuijken. Il se produit en récital avec le violiste Robin Pharo, les chanteurs Lucile Richardot, Paul Figuier, Maïlys de Villoutreys, le théorbiste Thibaut Roussel. Il joue régulièrement au sein des l’Ensembles Pygmalion, Correspondances & Marguerite Louise.
© Titouan Massé / Acte [Six]